Bénin : Urgence d’une compatibilité entre mesures anti Covid 19 et droits humains.

Le Bénin a enregistré son premier cas de Covid 19 en mars 2020 et depuis lors différentes mesures administratives et réglementaires ont été prises pour lutter contre la propagation du virus.

Le gouvernement a, entre-autres, instauré un cordon sanitaire du 30 mars au 27 avril 2020[1], imposé le port systématique de masques de protection dans l’espace public et réduit les rassemblements à 50 personnes maximum[2].

À la date du 15 novembre 2021, 24833 personnes ont été infectées par le virus pour 161 décès[3].

À partir du 31 mars 2021, le gouvernement du Bénin a procédé au lancement de la campagne nationale de vaccination contre le Covid avec une série de mesures restrictives pour les personnes qui s’abstiennent de se vacciner. Le Conseil des ministres en sa séance du 1er septembre a pris « des mesures urgentes » pour faire face à la persistance du Covid. Le conseil a notamment décidé de rendre obligatoire la vaccination contre la COVID-19 pour le personnel médical, paramédical, pharmacien, aide-soignant de même que pour le personnel administratif des formations sanitaires publiques et privées, comme pour le personnel des officines pharmaceutiques.

Au moment de la publication de ce communiqué de presse, 827 000 doses de vaccin ont été administrées pour 652.000 personnes complètement vaccinées soit un taux de 5,4% de la population nationale[4].

S’il est vrai qu’en période exceptionnelle, le droit international reconnaît aux États la possibilité de prendre des mesures pouvant être restrictives de libertés sur leur territoire pour lutter contre une situation donnée, il n’en demeure pas moins que ces mesures prises doivent respecter un certain nombre d’exigences prévues par le droit international notamment l’article 4 du Pacte International relatif aux  Droits Economiques, Sociaux et Culturels du 16 décembre 1966 ratifié par le Bénin le 12 mars 1992 de même que les principes de Syracuse adoptés le 28 septembre 1984.

En effet, l’article du Pacte susmentionné stipule « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent que, dans la jouissance des droits assurés par l’Etat conformément au présent Pacte, l’Etat ne peut soumettre ces droits qu’aux limitations établies par la loi, dans la seule mesure compatible avec la nature de ces droits et exclusivement en vue de favoriser le bien-être général dans une société démocratique ».

Quant aux Principes de Syracuse, ils concernent les dispositions du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques qui autorisent des restrictions ou des dérogations. D’abord, au point 14 de cet instrument, il est énoncé : « Les clauses du Pacte qui autorisent des restrictions ne doivent pas être interprétées d’une manière qui restreigne l’exercice d’un droit de l’homme bénéficiant d’une protection plus étendue en vertu d’autres obligations internationales s’imposant à l’État ». Ensuite, aux points 25 et 26, il est précisé : « La santé publique peut être invoquée comme un motif pour restreindre certains droits, afin de permettre à un État de prendre des mesures en cas de menace grave à l a santé de la population ou de certains éléments de la population. Ces mesures doivent avoir spécialement pour but de prévenir des maladies ou des accidents ou de permettre d’apporter des soins aux malades et aux blessés ». « Il doit être tenu dûment compte du Règlement sanitaire international de l’Organisation mondiale de la santé ». Enfin, au point 58 abordant les droits auxquels il n’est pas permis de déroger, il est rappelé : « Même en cas de danger public exceptionnel menaçant l’existence de la nation, aucun État partie ne doit déroger aux garanties prévues par le Pacte du droit à la vie ; (…) non plus qu’à une expérience médicale ou scientifique sans le libre consentement de l’intéressé ».

Ainsi, les mesures anti Covid 19 doivent respecter les exigences de nécessité, de proportionnalité, de légalité, de non-discrimination et de compatibilité avec les engagements internationaux relatifs aux droits humains. Elles doivent garantir au demeurant le droit des individus de disposer des recours effectifs devant les juridictions.

Dans le cadre du Covid 19, il est constant et observé au sein de l’opinion (scientifique notamment) qu’il s’agit d’un virus dont tous les paramètres ne sont pas encore connus. Les recherches continuent à cet effet aussi bien sur le virus que sur les différents vaccins disponibles à ce jour. Dans un tel contexte il est prudent de continuer à insister sur la sensibilisation des populations au respect des gestes barrières notamment : le port systématique de masques, la distanciation sociale, le lavage régulier des mains à l’eau et au savon, le test de dépistage et la vaccination volontaire.

Les autorités publiques devraient s’inscrire dans cette dynamique et éviter de rendre obligatoire la vaccination pour les populations ou de conditionner la jouissance des droits fondamentaux à la présentation d’un carnet de vaccination.

Tirant exemple de l’approche adoptée par l’Organisation des Nations Unies dans le programme de vaccination de son personnel contre Covid 19 et sur la question de savoir si ladite vaccination est obligatoire, il est précisé dans la Foire Aux Questions[5] : « La vaccination contre la COVID-19 n’est pas obligatoire pour les membres du personnel des Nations Unies et les personnes à leur charge, mais elle est fortement recommandée.

L’ONU recommande aux membres du personnel des Nations Unies et aux personnes à leur charge de recevoir un vaccin contre la COVID-19 dont l’OMS et/ou deux organismes de réglementation rigoureux ont approuvé l’utilisation en cas d’urgence. Indépendamment du fait qu’elle ait été approuvée par l’OMS et/ou deux organismes de réglementation rigoureux, toute procédure de vaccination doit toujours reposer sur le « consentement éclairé » de la ou du bénéficiaire. Tous les membres du personnel des Nations Unies et personnes à leur charge participant aux campagnes nationales de vaccination devraient pouvoir recevoir de leur prestataire de soins de santé ou de leur médecin traitant des informations complètes sur le type de vaccin proposé, afin de pouvoir décider en toute connaissance de cause de se faire vacciner, ou non, dans le cadre du programme de vaccination du pays concerné ou pays hôte ».

Ainsi, la vaccination doit reposer sur une base volontaire et un consentement libre et éclairé des bénéficiaires et sans crainte de représailles.

En outre, les autorités béninoises devraient veiller à une bonne couverture territoriale des vaccins et à leur accessibilité des populations afin de permettre à celles et ceux qui le désirent de se faire vacciner sans contrainte.

Les autorités publiques devraient également travailler à déconstruire les fausses nouvelles autour de l’existence du Covid 19 sans tomber dans la restriction ou la criminalisation de la liberté d’expression.

Cotonou le 10 Décembre 2021.

Ont signé :

Amnesty international Bénin ;

Changement Social Bénin ;

Action des chrétiens pour l’abolition de la torture ;

Franciscain Bénin


[1] https://www.gouv.bj/actualite/604/coronavirus—15-communes-sein-cordon-sanitaire-riposte-contre-covid-19-benin/

[2] https://sgg.gouv.bj/cm/2020-07-08/

[3] https://www.gouv.bj/coronavirus/ consulté le 07/12/21 à 17h30

[4] https://ourworldindata.org/covid-vaccinations?country=OWID_WRL consulté le 07/12/21 à 17h33

[5]https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/fr_2021.08.13_foire_aux_questions_vaccins_contre_la_covid19_.pdf