GHANA. LA LOI ANTI-LGBTI PROVOQUE LA HAINE, LA PERSECUTION ET LA DISCRIMINATION

Le Parlement et le gouvernement ghanéens devraient retirer immédiatement de l’agenda parlementaire le texte intitulé « Proposition de loi 2021 sur la promotion des droits sexuels humains appropriés et des valeurs familiales ghanéennes » (Promotion of Proper Human Sexual Rights and Ghanaian Family Values Bill 2021).

Ce texte contrevient gravement aux principes d’égalité et de non-discrimination, aux droits à la liberté d’expression, à la liberté d’association et à la vie privée, ainsi qu’à l’interdiction de la torture entérinés par la Constitution ghanéenne de 1992 et par les traités internationaux en matière de droits humains ratifiés par le pays. Plus précisément, il retire aux personnes LGBTI leur droit inviolable à la dignité humaine, garanti à toutes les personnes par la section 15 de la Constitution ghanéenne.

Après une première lecture le 2 août, le Parlement ghanéen doit examiner ce texte en octobre 2021 en vue d’une adoption. Cette proposition de loi, particulièrement controversée et discriminatoire, est étudiée dans un contexte où les discriminations, l’intolérance et la pénalisation touchent déjà les personnes LGBTI. Le Code pénal ghanéen érige déjà en infraction les relations sexuelles entre personnes consentantes de même sexe. Les personnes LGBTI sont également victimes de discours de haine et de menaces, et elles vivent dans un climat de peur, d’hostilité et d’intolérance.1

Cette proposition de loi encourage la haine et l’intolérance, et elle promeut les persécutions fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, réelles ou présumées, de personnes qui ne se conforment pas ou qui ne peuvent pas se conformer aux normes sociales et aux normes de genre prédominantes. S’il était adopté, ce texte viserait à imposer des restrictions et des sanctions pénales à un certain nombre de personnes, y compris des personnes LGBTI et toute personne qui leur apporterait du soutien ou qui leur témoignerait de la sympathie. Elle place également une obligation positive sur chaque personne se trouvant sur le territoire ghanéen de signaler toute conduite perçue comme « de nature LGBTI » à la police, ou à une liste de membres du voisinage en l’absence de la police.

Cette proposition de loi imposerait une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement aux personnes LGBTI, et jusqu’à 10 ans d’emprisonnement à toute personne qui réaliserait

ou participerait à « une activité qui promeut, exprime de la sympathie pour, ou soutient un changement de l’opinion publique concernant un acte interdit par cette loi ».

Cette disposition, vague et excessivement large, signifie que toute personne se trouvant sur le territoire ghanéen risque d’être poursuivie en vertu de cette loi. Elle crée également un environnement hostile, discriminant et activement stigmatisant pour les personnes LGBTI ou considérées comme telles, ou pour toute personne qui appartiendrait à leur cercle social (familial, professionnel ou autre).

Les défenseur·e·s des droits humains, ainsi que toute personne qui s’inscrirait, organiserait ou participerait à une activité visant à soutenir une organisation de défense des droits des personnes LGBTI, risqueraient jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. Cette proposition de loi pénalise également toute production ou diffusion de soi-disant « propagande » LGBTI par une peine d’emprisonnement allant de 5 à 10 ans.

Ces dispositions contreviennent clairement à la Constitution ghanéenne qui protège universellement les droits de toutes les personnes à la liberté d’association et à la liberté d’expression. Elles contreviennent également à la résolution de 2014 adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui invite les États parties « à s’assurer que les défenseurs des droits de l’homme exercent leurs activités dans un environnement propice exempt de stigmatisation, de représailles ou de poursuites pénales en raison de leurs activités de défense des droits de l’homme y compris les droits des minorités sexuelles ».2

Cette proposition de loi encourage des pratiques profondément néfastes, telles que des interventions médicales sur des enfants intersexes pour les « réaligner » sur une « désignation binaire appropriée ». Ces interventions chirurgicales et médicales non urgentes ne protègent pas les droits fondamentaux des enfants, notamment le droit à la vie privée et le droit de jouir du meilleur état de santé possible.

Amnesty International appelle le gouvernement du Ghana à garantir qu’aucun enfant ne soit soumis à un traitement invasif et irréversible qui n’a pas de caractère urgent.

La proposition de loi promeut également la thérapie de conversion, qui est une pratique très dangereuse entraînant une grande détresse et de graves dommages psychologiques à ses destinataires. Elle peut s’apparenter à de la torture ou à une punition ou un traitement cruel, inhumain et dégradant, engageant ainsi la responsabilité internationale du Ghana.3

La proposition de loi empêche les personnes transgenres d’accéder à des traitements de réattribution sexuelle, violant ainsi leur droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, qui est protégé par le droit international relatif aux droits humains y compris le Pacte international des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC, article 12).4

Si cette proposition de loi est adoptée, les professionnel·le·s de santé risqueraient de se voir infliger des sanctions pénales : entre trois et cinq ans d’emprisonnement pour avoir fourni des services d’ordre médical dans le cadre de procédures de réattribution sexuelle. Cet aspect est particulièrement préoccupant, car il empêche totalement les personnes transgenres d’accéder aux soins liés à leur réattribution sexuelle dont ils ont besoin de la part des professionnel·le·s de santé.

Selon un groupe d’experts des procédures spéciales des Nations unies, qui ont analysé ensemble la proposition de loi, cette dernière « décrit un système de discrimination et de violence encouragé par l’État d’une amplitude telle que son adoption […] semblerait constituer une violation immédiate et fondamentale des obligations de l’État en vertu du droit international relatif aux droits humains ».5

Amnesty International appelle le Parlement et le gouvernement ghanéens à retirer cette proposition de loi de l’agenda parlementaire. Dans une période où d’autres pays à travers le monde, y compris l’Angola et le Gabon, abrogent des lois discriminantes qui prennent des personnes pour cible en raison de leur orientation sexuelle réelle ou présumée, le Ghana ne doit pas emprunter le chemin inverse. Les autorités ghanéennes sont encouragées à protéger l’égalité, la non-discrimination et les autres droits fondamentaux de toutes les personnes se trouvant au Ghana.