Bénin. Des policiers accusés d’avoir violemment agressé une femme transgenre.

AMNESTY INTERNATIONAL
COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AILRC-FR
7 mars 2022


Les autorités béninoises doivent ouvrir sans délai une enquête indépendante et impartiale sur la violente agression d’une femme transgenre par des policiers, a déclaré Amnesty International lundi 7 mars.

Nadia* a raconté à Amnesty International qu’elle avait été emmenée au commissariat de Pahou après avoir été attaquée par des habitants de son quartier, dans la ville de Ouidah, le 4 février. Au lieu de l’aider, les policiers lui ont asséné des coups de matraque et de machette, l’ont dévêtue entièrement et photographiée.

« Une enquête doit être menée de toute urgence sur cette terrible agression. Non seulement Nadia a été rouée de coups par des policiers, mais elle a en outre été détenue pendant trois jours, au cours desquels on l’a forcée à rester complètement nue. Il s’agit de transphobie sous sa forme la plus brutale, odieuse et lamentable », a déclaré Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

Une plainte contre X et contre les policiers du commissariat de Pahou pour coups et violences volontaires, violence et voie de fait, vol et atteinte à la pudeur, a été déposée au parquet de Ouidah, qui a accusé réception le 22 février.
Nadia, âgée de 22 ans, y indique que des chauffeurs de taxi-moto et des habitants de son quartier ont commencé par la frapper, la déshabiller, lui voler des affaires et la prendre en photo.

Les chauffeurs de taxi-moto l’ont ensuite emmenée au commissariat de Pahou, où elle affirme avoir été battue, agressée à coups de matraque et de machette, déshabillée à nouveau entièrement et photographiée pour qu’elle « voie quel est [son] véritable sexe ».
Dans son témoignage qui a été transmis à Amnesty International, Nadia a décrit en détail les violences qu’elle a subies aux mains des policiers. Elle a été frappée, forcée à rester nue, insultée et menacée d’être placée dans une cellule « afin que toutes les autres personnes détenues dedans couchent avec [elle] ». Selon ses dires, les policiers l’ont fait s’allonger par terre pendant qu’ils lui donnaient des coups de pied et la bâillonnaient pour l’empêcher de crier. Ils lui ont ensuite ordonné de se laver dans les douches, où d’autres personnes détenues l’ont giflée.

Nadia a passé trois jours en détention, pendant lesquels elle a été privée de nourriture et contrainte à rester complètement nue. Elle a été libérée le 6 février, sans inculpation.
Le certificat médical établi le 9 février, qu’Amnesty International a pu examiner, a conclu qu’elle présentait plusieurs plaies aux deux jambes, à la cheville droite et dans le dos et qu’elle était dans l’incapacité de travailler pendant cinq jours. Amnesty International a vu plusieurs photos qui montrent ses blessures.

Ce n’est pas la première fois que l’organisation recueille des informations faisant état de violences transphobes au Bénin. En avril 2021, trois femmes transgenres ont été forcées à se dévêtir avant d’être rouées de coups et détroussées par un groupe d’hommes dans un bar de Cotonou, la capitale du pays. Ces derniers ont filmé leur agression et partagé des vidéos sur les réseaux sociaux. Trois organisations qui défendent les droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées (LGBTI) ont reçu des menaces après avoir soutenu publiquement les trois victimes. Le 30 juin, le tribunal de première instance de Cotonou a condamné l’un des agresseurs à 12 mois d’emprisonnement, dont six mois avec sursis.

Dans son rapport 2020-2021 sur la situation des droits humains au Bénin, la Commission béninoise des droits de l’homme (CBDH) a qualifié la situation des personnes LGBTI dans le pays de « préoccupante » et s’est déclarée « préoccupée par les agressions physiques et sexuelles, la détention arbitraire, les tortures et les traitements inhumains et dégradants » commis à l’encontre des LGBTQI au cours des dernières années.

« Cette nouvelle attaque constitue une violation manifeste des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et par la Constitution du Bénin, dont toutes les personnes doivent pouvoir bénéficier. Une enquête doit être immédiatement ouverte sur ces faits et les auteurs présumés doivent être traduits en justice », a déclaré Fabien Offner.

Complément d’information
Les personnes LGBTI subissent encore fréquemment des violences et des menaces au Bénin, malgré des avancées notables ces dernières années, telles que la dépénalisation des relations homosexuelles dans le Code pénal en 2018.

  • Son nom a été modifié pour préserver son anonymat