Rétrospective 2019 – Afghanistan. Les civils continuent de payer le prix du conflit

AMNESY INTERNATIONAL

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

30 janvier 2020

AILRC-FR

En 2019, les civils afghans ont continué de payer le prix du conflit, alors que la justice demeurait hors de portée pour les victimes, a déclaré Amnesty International alors que l’organisation de défense des droits humains publie son rapport annuel sur la situation dans la région Asie-Pacifique, le 30 janvier 2020.

Intitulé Les droits humains dans la région Asie-Pacifique. Rétrospective 2019, ce document offre l’analyse la plus complète qui soit de la situation actuelle des droits fondamentaux dans le plus vaste continent de la planète.

Le nombre de victimes civiles demeurait élevé tout au long de l’année, le mois de juillet étant le plus sanglant enregistré et l’Afghanistan demeurant le conflit le plus meurtrier au monde pour les enfants. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. Quelque 500 000 Afghanes et Afghans ont été rapatriés de force depuis les pays voisins, ainsi que plusieurs milliers depuis l’Europe et depuis la Turquie. Les journalistes et les défenseur·e·s des droits humains étaient toujours exposés à des manœuvres d’intimidation et à des menaces, certains étant même arrêtés, voire tués, en raison de leur travail.

« Le conflit armé en Afghanistan ne faiblit pas mais gagne en intensité, et ce sont les civils qui continuent d’en payer le prix fort. »  Omar Waraich

La justice demeurait hors de portée des victimes, la Cour pénale internationale ayant refusé d’ouvrir une enquête sur les crimes de droit international commis dans le pays et les autorités ne menant pas d’investigations sur d’autres graves violations des droits humains, notamment les violences faites aux femmes et les attaques visant les défenseur·e·s des droits humains.

 « Le conflit armé en Afghanistan ne faiblit pas mais gagne en intensité, et ce sont les civils qui continuent d’en payer le prix fort. Tout au long de l’année 2019, ils ont été tués, blessés, victimes de disparitions forcées et soumis à d’autres graves violations des droits humains, par le gouvernement comme par les groupes armés, a déclaré Omar Waraich, directeur adjoint pour l’Asie du Sud à Amnesty International.

« En 2020, le monde doit sortir de son indifférence face à ce conflit qui dure depuis tant d’années et offrir au peuple afghan la protection dont il a besoin et la justice qui lui est due. »

Le conflit le plus meurtrier au monde pour les enfants

Au cours des neuf premiers mois de l’année 2019, plus de 2 400 enfants ont été tués ou blessés en Afghanistan, ce qui en fait le conflit le plus meurtrier au monde pour les enfants.

Au cours de la même période, 2 563 personnes ont été tuées au total et 5 676 blessées. La période entre juillet et septembre a été la plus meurtrière enregistrée, le mois de juillet étant le mois le plus sanglant du conflit.

La plupart des attaques ont été menées par des groupes armés, notamment les talibans et le groupe armé se désignant sous le nom de l’État islamique-Province du Khorassan (EI-K). En août, un attentat-suicide revendiqué par l’EI-K a tué au moins 63 personnes et en a blessé plus de 200.

Au cours des six premiers mois de l’année, les forces progouvernementales et internationales étaient responsables de la majorité des pertes civiles, selon la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA). En décembre, une frappe de drone menée par les États-Unis a tué cinq personnes, dont une femme qui venait d’accoucher.

« Toutes les parties au conflit continuent de faire preuve d’un mépris flagrant pour la vie humaine. Des groupes armés se livrent à des crimes de guerre et des forces progouvernementales sont responsables de la mort des personnes qu’elles sont censées protéger, a déclaré Omar Waraich.

« Il incombe aux autorités afghanes et à la communauté internationale d’assurer la protection de la population civile et d’amener les auteurs des attaques visant des civils à rendre des comptes. »

Les défenseur·e·s des droits humains menacés

Des défenseur·e·s des droits humains en Afghanistan ont été la cible de menaces et de manœuvres d’intimidation ; certains ont été arrêtés, d’autres ont été tués.

En septembre, les talibans ont enlevé et tué Abdul Samad Amir, de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan. Personne n’a été amené à rendre des comptes pour cet homicide, qui était constitutif de crime de guerre.

En décembre, la Direction nationale de la sécurité, le principal service de renseignements du pays, a arrêté arbitrairement Musa Mahmudi et Ehsanullah Hamidi, deux défenseurs des droits humains qui avaient révélé l’existence d’un réseau pédophile dans la province du Logar.

« Confrontés aux menaces d’agents de l’État et d’acteurs non-étatiques, celles et ceux qui défendent les droits humains en Afghanistan travaillent dans des conditions parmi les plus dangereuses au monde. Le gouvernement afghan et la communauté internationale rendent depuis longtemps hommage à leur courage, mais ils doivent désormais reconnaître leurs avancées, leur offrir un soutien concret et veiller à ce qu’ils soient respectés et protégés », a déclaré Omar Waraich.

Renvois forcés

En 2019, le monde a continué de tourner le dos aux Afghanes et aux Afghans qui avaient cherché à échapper au conflit qui se poursuivait. L’Iran et le Pakistan, pays voisins, ont rapatrié de force 500 000 personnes l’an dernier, dont plus de 476 000 depuis l’Iran.

Les pays européens ont renvoyé de force des centaines de demandeuses et demandeurs d’asile afghans au titre de divers accords conclus avec le gouvernement afghan, malgré les graves risques auxquels ils sont confrontés lors de leur retour dans leur pays.

La Turquie a expulsé au moins 19 000 personnes vers l’Afghanistan entre janvier et septembre, après les avoir maintenues en détention dans des conditions déplorables.

« Du fait du conflit en Afghanistan, il est clair qu’aucune région du pays n’est assez sûre pour pouvoir procéder à des renvois. Pourtant, des États continuent de le faire en violation flagrante du droit international, obligeant des personnes réfugiées ou demandeuses d’asile à retourner affronter les dangers qu’elles avaient dû fuir au départ », a déclaré Omar Waraich.