Les Kenyans vont pouvoir communiquer en temps réel des informations concernant les exécutions extrajudiciaires et les enlèvements imputables à la police sur un nouveau portail en ligne destiné à aider les organisations de défense des droits humains à demander des comptes aux autorités, a déclaré Amnesty International à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée.
« Chaque année, des centaines de personnes sont arrêtées lors de coups de filet réalisés par la police mais nombre de prétendus suspects ne sont jamais déférés à un tribunal ni inculpés d’une quelconque infraction. Ils sont généralement retrouvés morts, leur corps abandonné sans le moindre égard. D’autres disparaissent sans laisser de trace, a déclaré Joan Nyanyuki, directrice du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International.
« Il est inconcevable que des dizaines de familles vivent un calvaire du fait même de ceux qui sont censés les protéger et les défendre ; elles ignorent où sont leurs proches, s’ils sont toujours en vie et, le cas échéant, où se trouve leur corps. »
Afin de faciliter, dès à présent et à l’avenir, l’enregistrement des homicides et des disparitions orchestrés par la police, Amnesty International et ses partenaires locaux lanceront le 31 août Missing Voices, un portail en ligne qui permettra au grand public de signaler en temps réel des exécutions et des enlèvements que les forces de sécurité seront soupçonnées d’avoir commis.
Ce guichet unique, qui prendra la forme d’une base de données sur toutes les exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées répertoriées au Kenya, fournira aux organisations de défense des droits humains de précieux éléments sur lesquels s’appuyer pour demander des comptes aux autorités et réclamer l’ouverture d’enquêtes rapides.
« Les homicides illégaux et les disparitions forcées imputables à la police sont largement dénoncés dans les médias mais il est difficile de trouver des données policières fiables car la police ne dispose d’aucune base de données centralisée et elle est réticente à signaler les infractions commises par ses agents et à enquêter à ce sujet, a déclaré Joan Nyanyuki.
« Grâce à ce portail, nous prenons le pouvoir lié à l’information et le redonnons aux citoyens afin qu’ils puissent agir lorsque la police arrête arbitrairement, enlève ou tue un de leurs proches, en transmettant aux organisations de défense des droits humains des renseignements qui permettront à celles-ci de suivre l’affaire et de demander des comptes en leur nom. »
Cependant, ce portail n’est pas une fin en soi mais un moyen d’atteindre un but : la justice. Amnesty International appelle le président Uhuru Kenyatta à reconnaître que les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires sont enracinées dans les pratiques policières.
« Premièrement, il faut que le président Uhuru Kenyatta présente des excuses aux victimes d’exécution extrajudiciaire et de disparition forcée ainsi qu’à leurs familles. Il doit aussi s’engager à faire en sorte que justice soit rendue à chaque personne disparue ou exécutée illégalement, notamment en nommant de toute urgence une commission judiciaire d’enquête chargée de faire la lumière sur les faits passés », a déclaré Joan Nyanyuki.
Par ailleurs, le directeur du ministère public doit diligenter des enquêtes sur tous les cas et poursuivre les responsables présumés dans le cadre de procès équitables excluant le recours à la peine de mort, et le ministre de la Justice doit proposer une législation qui érige explicitement en infraction les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, conformément aux normes internationales relatives aux droits humains.