Monsieur le Gouverneur,
Je vous écris pour vous faire part de mon inquiétude au sujet de Yahaya Sharif-Aminu, un chanteur de 22 ans qui a été condamné à mort. En février 2020, Yahaya Sharif-Aminu a composé une chanson accusée de contenir des paroles désobligeantes envers le prophète Mahomet, ce qui a entraîné son arrestation en mars. Ses proches ont en outre été forcés à quitter leur domicile quand des jeunes en colère ont protesté contre cette chanson et incendié la maison familiale, située dans le quartier de Sharifai, dans la zone de gouvernement local de Kano (nord du Nigeria), le 4 mars. Personne n’a été arrêté ni poursuivi pour ces violences.
Le 10 août, Yahaya Sharif-Aminu a comparu devant une haute cour islamique siégeant à Kano, qui l’a déclaré coupable de blasphème. Il est toujours en détention provisoire à la prison de Kano. Après sa condamnation, plusieurs personnes et organes religieux se sont indignés publiquement en vous demandant de signer un ordre d’exécution à son encontre. Yahaya Sharif-Aminu a fait appel de sa peine de mort.
J’ai de sérieux doutes quant à l’équité du procès de Yahaya Sharif-Aminu et à la formulation des charges qui pèsent contre lui en raison de ses messages Whatsapp. La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Personne ne devrait être condamné à mort ni exécuté. L’imposition de la peine de mort à l’issue d’un procès inique viole le droit à la vie et les procès expéditifs compromettent la capacité des personnes condamnées à exercer des recours effectifs contre l’assistance juridique insuffisante qu’elles ont reçue lors de leur procès. De plus, le recours à la peine de mort pour blasphème constitue une violation des obligations du Nigeria au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui dispose que le recours à la peine capitale doit être réservé aux « crimes les plus graves », ce qui selon le droit international correspond aux crimes impliquant des homicides volontaires.
Par conséquent, je vous prie instamment :
- de ne pas signer d’ordre d’exécution à l’encontre de Yahaya Sharif-Aminu ;
- d’ordonner sa libération immédiate et sans condition.
Veuillez agréer, Monsieur le Gouverneur, l’expression de ma haute considération.