Protégez les détenus en Afrique contre le COVID-19

Dans de nombreux pays d’Afrique, les prisons sont surpeuplées. Les détenus vivent souvent dans des conditions invivables et les systèmes de santé à l’intérieur des prisons sont extrêmement médiocres. La pandémie de coronavirus rend les détenus particulièrement vulnérables et à risque. Le COVID-19 appelle les États à résoudre rapidement les problèmes concernant leur système de détention afin d’éviter de transformer les centres de détention en épicentres de l’épidémie.

Des pays comme le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Niger, le Nigéria, le Sénégal et le Togo ont déjà pris plusieurs mesures pour libérer de l’espace dans les prisons. Cependant, la plupart des mesures sont encore insuffisantes. En plus de cela, les autorités devraient envisager de libérer les personnes en détention provisoire et les personnes malades ou âgées ainsi que les défenseurs des droits humains, les journalistes et les militants détenus pour avoir simplement exercé leurs droits.

Bénin, accès limité à un système de santé défaillant

Plus de 94% des détenus des 11 prisons fonctionnelles du Bénin déclarent ne pas utiliser leur droit d’accès aux soins de santé. Les raisons invoquées sont souvent le manque d’accès, le peu de personnel médical disponible, la pénurie de médicaments ou les médicaments périmés donnés aux détenus. Il y aurait une économie parallèle pour ceux assez riches pour accéder aux soins de santé. Les problèmes de santé sous-jacents ne sont pas traités. Cependant, beaucoup de choses se sont améliorées depuis 2015 même si les mesures prises sont encore insuffisantes.

Les prisons du Bénin sont surpeuplées. La densité carcérale est supérieure à 151%. Sur les plus de 8 500 détenus, plus de 75% sont des prévenus ou détenus en détention provisoire. À ce jour, aucune des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le COVID-19 n’a inclus les prisons et autres centres de détention. Des personnes sont toujours détenues arbitrairement et injustement. Par exemple, des journalistes comme Ignace Sossou sont emprisonnés pour avoir exercé leur droit à la parole. Il n’a fait que reprendre sur Twitter des commentaires faits par le procureur sur une loi controversée sur la communication numérique.

Veuillez vous joindre à nos membres et sympathisants pour appeler les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale à prendre des mesures adéquates et proportionnées pour libérer les détenus vulnérables et à risque.

Envoyez un e-mail aux autorités du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, du Tchad, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Niger, du Nigéria, du Sénégal, de la Sierra Leone et du Togo pour exiger que :

  • Toutes les personnes détenues arbitrairement et celles en détention administrative soient immédiatement et inconditionnellement libérées.
  • Les personnes en détention provisoire et les enfants ainsi que les femmes et les filles qui sont en détention avec des enfants à charge ou qui sont enceintes soient libérés ou que des alternatives à la détention soient trouvées lorsqu’elles s’appliquent à leur cas.
  • Les personnes âgées, les détenus ayant des problèmes de santé sous-jacents et les détenus condamnés pour des délits mineurs et non violents sont pris en compte pour une libération anticipée, temporaire ou conditionnelle.
  • Ceux qui restent en détention reçoivent des soins de santé standard qui répondent aux besoins individuels de chaque personne, similaires à ceux disponibles dans la communauté, et qui garantissent la protection maximale possible contre la propagation du COVID-19.

Cameroun, une attente sans fin pour un procès

La prison de Kondengui, la principale prison de la capitale Yaoundé, a été construite pour accueillir 1 500 détenus. Cependant, avant que le gouvernement n’ordonne la libération de certains prisonniers, plus de 6 000 personnes étaient détenus dans la prison.

Les personnes en détention provisoire représentent jusqu’à 58% de la population carcérale du Cameroun. De nombreux détenus actuellement en détention provisoire en raison de la crise séparatiste anglophone ne bénéficieront pas des mesures du gouvernement. D’autres, comme Ivo Fomusoh et deux de ses amis, qui ont été condamnés à 10 ans pour avoir partagé une blague par SMS, resteront également en prison.

Le mauvais accès aux soins de santé caractérise également les conditions de vie désastreuses des détenus. Il n’y a qu’un seul médecin par 1 335 prisonniers. Les détenus souffrent de malnutrition et au moins 15% d’entre eux sont atteints de tuberculose. La situation est plus ou moins la même dans d’autres prisons du Cameroun. La prison de Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord – qui a un taux d’occupation de plus de 230% – a enregistré de nombreux décès en détention en raison des conditions de détention difficiles.

Tchad, des conditions invivables

Les prisons du Tchad sont surpeuplées. La densité carcérale est de 232%. Les conditions d’hygiène et le système de santé sont extrêmement médiocres. Les prisonniers meurent quotidiennement de multiples maladies, dont la tuberculose et les MST. Les infirmeries sont souvent utilisées comme cellules lorsque la prison est très surpeuplée ou lorsqu’il n’y a pas de fournitures médicales disponibles. Les détenus dorment dans des cellules mal ventilées, la plupart du temps serrés les uns contre les autres. Cela devient insupportable pendant les mois de mars à mai, lorsque les températures peuvent atteindre 45 degrés celsius.

Sénégal, dormir tête-bêche et entassés est la norme

2 000 prisonniers ont été libérés dans le cadre des mesures préventives prises contre la pandémie de COVID-19. Le pays comptait 11 547 personnes incarcérées dans 37 prisons, pour une capacité totale de 4 224 détenus.

Cependant, pour les autres détenus, la vie quotidienne en prison les met toujours en danger. Il y aurait moins de 5 médecins dans l’équipe médicale de l’administration pénitentiaire sénégalaise. L’hygiène reste très médiocre avec peu d’accès aux toilettes. Les cellules conçues pour héberger 40 détenus contiennent souvent 2 à 3 fois ce nombre. La plupart des détenus dorment tête-bêche, les uns collés aux autres, dans un arrangement qu’ils appellent «paketasse». Dans certains cas, ils sont obligés de se relayer pour dormir.

Le Niger, isolé du monde

Dans le cadre des mesures préventives du gouvernement contre la propagation du COVID-19, les prisonniers ne recevront aucune visite au cours des 3 prochains mois. Ainsi, les défenseurs et les militants des droits de l’homme détenus suite aux récentes vagues d’arrestations arbitraires vont languir dans les prisons sans aucun moyen de contacter leur famille et leurs avocats. Cette mesure va aussi empêche la plupart des détenus de recevoir de la nourriture ou d’autres fournitures de l’extérieur.

Officiellement, la densité carcérale au Niger est de 93%. Cependant, nos contacts en prison disent que les cellules sont surpeuplées. Plus de 53% des détenus sont en détention provisoire.

Une autre mesure prise par les autorités a permis de libérer plus de 1 500 détenus, dont le célèbre opposant Hama Amadou, emprisonné pour trafic de bébés présumé.