L’ONU doit saisir une occasion historique de cesser d’équiper les tortionnaires

AMNESTY INTERNATIONAL
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
AILRC-FR
26 juin 2019

Les matraques à pointes, les ceintures incapacitantes et les entraves pour les chevilles font
partie des ignobles instruments de torture qui devraient être immédiatement interdits, a
déclaré Amnesty International le 26 juin, en amont du vote crucial sur la résolution relative au
commerce de la torture qui aura lieu à l’Assemblée générale des Nations unies le 28 juin.

« Chaque année, des gouvernements accueillent des salons commerciaux internationaux,
ou participent à de tels salons où ils peuvent visiter des stands proposant à la vente
d’effrayants instruments de torture. Ce commerce très discret est depuis trop longtemps trop
peu règlementé. Les tortionnaires partout dans le monde bénéficient d’une règlementation
très souple qui leur permet d’avoir accès aux technologies les plus récentes pour faire
souffrir des gens et pour leur faire peur », a déclaré Ara Marcen Naval, directrice adjointe
pour le contrôle des armes et les droits humains à Amnesty International.

L’adoption de cette résolution représenterait une première étape sur la voie de la création de
textes internationaux interdisant le commerce des équipements uniquement destinés à
torturer. Elle permettrait également de renforcer la règlementation sur les équipements tels
que les matraques et les gaz lacrymogènes, qui sont régulièrement utilisés de façon abusive
pour réprimer des manifestations pacifiques.

« Il est grand temps que les États fassent clairement savoir qu’ils sont déterminés à
éradiquer la torture une fois pour toutes. Nous demandons aux gouvernements d’adopter
cette résolution, puis de prendre les mesures nécessaires en vue de l’adoption de
règlementations permettant de restreindre ce commerce et de protéger les personnes
partout dans le monde contre le fléau de la torture et des autres mauvais traitements », a
déclaré Ara Marcen Naval.

Amnesty demande l’interdiction des équipements dont l'utilisation est en soi abusive, et elle
demande aussi aux États de règlementer strictement l’exportation d’équipements destinés
au maintien de l’ordre, et de mettre fin aux transferts vers des pays où ils risquent d’être
utilisés pour commettre des actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Les instruments de torture

Le terme « instruments de torture » désigne une large gamme d’équipements en matière de
sécurité et de maintien de l’ordre qui peuvent être utilisés pour torturer, maltraiter ou
exécuter des personnes. Amnesty International a rassemblé des informations montrant que
la Chine joue un rôle de première importance dans ce domaine, et que le nombre
d’entreprises chinoises qui fabriquent de tels équipements a plus que quadruplé au cours de
la dernière décennie.

Cependant, les informations disponibles indiquent que les instruments de torture sont utilisés
dans toutes les régions du monde, et que de nombreux pays qui interdisent leur utilisation

permettent pourtant la promotion et la vente de ces articles sur leur sol. Par exemple, en
2017, des chercheurs d’Amnesty International ont découvert que des équipements de torture
illégaux, notamment des matraques à pointes, des fourches antiémeute à pointes envoyant
des décharges électriques, des gilets envoyant des décharges électriques et de lourdes
entraves pour les chevilles, étaient vendus par des entreprises chinoises sur le salon Milipol,
qui présente des équipements militaires et de police, à Paris.

De nombreux pays ont mis en place ces dernières années au niveau national des
interdictions d’exportation et, en 2006, l’UE a adopté un règlement portant sur « le commerce
de certains biens susceptibles d’être utilisés en vue d’infliger la peine capitale, la torture ou
d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Mais il n’existe pas de
règlementation internationale, ce qui signifie qu’en dehors de l’UE, la fabrication, la
promotion, l’exportation et l’importation d’instruments de torture sont peu contrôlés.

Pour être totalement efficace, tout texte de loi visant à contrôler ce commerce doit établir une
distinction entre deux types d’équipements. Il doit interdire les équipements dont l’utilisation
est en soi abusive (par exemple, les matraques à pointe, les entraves de cou et les ceintures
incapacitantes envoyant des décharges électriques) et règlementer les équipements
susceptibles d’être utilisés de façon légitime mais qui sont généralement utilisés de façon
abusive pour torturer ou commettre d’autres mauvais traitements (par exemple, les gaz
lacrymogènes ou le gaz poivre).

Amnesty International a à de nombreuses reprises réuni des informations montrant que les
équipements destinés au maintien de l’ordre sont très souvent utilisés pour infliger des actes
de torture ou d’autres mauvais traitements. Ainsi, au cours du mois qui vient de s’écouler, les
forces de l’ordre à Hong Kong et au Soudan ont utilisé des gaz lacrymogènes contre des
manifestants pacifiques de façon excessive et abusive, causant ainsi de graves blessures.

Amnesty International demande aux États d’évaluer les risques qui pèsent sur les droits
humains avant d’accorder des autorisations pour ces types d’équipements, en se conformant
à ce qui a déjà été mis en place pour contrôler des articles dangereux comme les armes
classiques.

Informations complémentaires sur la résolution

L’alliance mondiale pour mettre fin au commerce des articles utilisés pour torturer et
appliquer la peine capitale (« Alliance mondiale pour un commerce sans torture ») est une
initiative menée par l’UE, la Mongolie, le Cap-Vert et l’Argentine, qui a été lancée en
septembre 2017.

Le 24 septembre 2018, lors de la première réunion ministérielle de l’Alliance mondiale pour
un commerce sans torture, les membres de cette alliance se sont engagés à promouvoir et
soutenir un projet de résolution destiné à être adopté par l’Assemblée générale des Nations
unies lors de sa 73 e session, intitulé « Vers un commerce sans torture : examen de la
faisabilité, du champ d’application et des paramètres pour des normes communes
internationales ».

Cette résolution va initier un processus de collecte des avis des États sur le champ
d’application, la faisabilité et les paramètres concernant la mise en place de normes
communes internationales pour l’importation, l’exportation et le transfert d’articles utilisés
pour l’application de la peine capitale et pour torturer et infliger d’autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L’Alliance comprend 62 États membres, et de nombreux autres États soutiennent
aussi cette résolution.

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