L’Afrique subsaharienne se distingue dans la lutte mondiale contre la peine de mort

Par Oluwatosin Popoola, chargé de plaidoyer et conseiller sur la peine de mort à Amnesty International

Quand Amnesty International a lancé sa campagne mondiale contre la peine capitale en 1977, le recours à ce châtiment, le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, était monnaie courante en Afrique subsaharienne. Pas un seul pays de la région n’avait aboli la peine de mort pour tous les crimes.

Quarante ans plus tard, l’Afrique subsaharienne a accompli des progrès remarquables sur ce terrain. En commençant par le Cap-Vert en 1981, 20 pays de la région ont désormais aboli la peine capitale pour tous les crimes. Quinze autres États peuvent être considérés comme abolitionnistes en pratique, parce qu’ils n’ont procédé à aucune exécution depuis 10 ans et semblent avoir pour politique ou pour pratique établie de s’abstenir de toute exécution. La progression de l’Afrique subsaharienne ces dernières années est porteuse d’espoir dans la lutte en faveur de l’abolition de la peine de mort.

À l’échelle mondiale, le recours à ce châtiment a reculé l’an dernier, ainsi que l’indique le récent rapport consacré à la question par Amnesty International pour l’année 2017. L’organisation a recensé 993 exécutions dans 23 pays en 2017, soit 4 % de moins qu’en 2016 (où 1 032 exécutions avaient été enregistrées) et 39 % de moins qu’en 2015 (1 634 exécutions constatées). Cette diminution est due au recul observé dans trois pays – l’Iran, l’Arabie saoudite et le Pakistan -, où le plus grand nombre d’exécutions avait été enregistré en 2016. Par ailleurs, 2 591 condamnations à la peine capitale ont été répertoriées dans 53 pays en 2017, ce qui représente une forte baisse par rapport au chiffre record de 3 117 enregistré en 2016.

Le rapport confirme aussi que l’Afrique subsaharienne est la région ayant le plus avancé sur la voie de l’abolition en 2017. Dans l’ensemble, le nombre de condamnations à mort recensées est passé de 1 086 dans 17 pays en 2016, à 878 dans 15 pays en 2017. Amnesty International a également constaté une baisse du nombre de pays procédant à des exécutions (deux en 2017 contre cinq en 2016) : à la connaissance de l’organisation, seuls le Soudan du Sud et la Somalie ont ôté la vie à des condamnés à mort.

En Gambie, le nouveau gouvernement du président Barrow a changé l’attitude du pays vis-à-vis de la peine de mort en à peine quelques mois. Cette nation, qui s’était tristement illustrée pour son soutien indéfectible à la peine capitale sous le régime du président Yahya Jammeh, est soudain devenue un remarquable exemple de progrès vers l’abolition dans la région. En adoptant diverses mesures, la Gambie a montré au monde qu’elle était déterminée à mettre fin au recours à la peine capitale : le président Barrow a gracié des personnes se trouvant sous le coup d’une condamnation à mort ; en septembre 2017, la Gambie a signé un traité international engageant les États parties à s’abstenir de procéder à des exécutions et à prendre toutes les mesures qui s’imposent dans l’objectif d’abolir la peine de mort ; et, il y a à peine quelques semaines, le président Barrow a annoncé l’établissement d’un moratoire officiel sur les exécutions.

Alors que l’année 2017 touchait à sa fin, la Guinée est venue grossir les rangs des pays abolitionnistes de la région, devenant le 20e pays d’Afrique subsaharienne à supprimer la peine de mort pour tous les crimes – ce qui constitue une avancée remarquable pour un pays qui était considéré comme non abolitionniste il y a encore deux ans. Grâce à des réformes entamées en 2016, la Guinée a éradiqué la peine capitale de sa législation. Tout d’abord, elle l’a retirée du Code pénal comme châtiment possible. Et puis, l’an dernier, elle a supprimé des dispositions relatives à la peine de mort dans le droit militaire, dernier ensemble de textes prévoyant encore ce châtiment.

Le Tchad a lui aussi réalisé une avancée positive sur ce terrain, avec l’entrée en vigueur en 2017 d’une nouvelle loi abolissant la peine de mort, sauf dans les affaires de terrorisme. À mesure que la tendance abolitionniste continue à monter en puissance dans la région, le Tchad se rendra bientôt compte qu’il doit se débarrasser totalement de ce châtiment, le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Au Burkina Faso, une disposition interdisant complètement la peine capitale a été introduite dans les propositions de révision de la Constitution, donnant l’envie de croire à la possibilité d’un 21e pays abolitionniste dans la région.

La Cour suprême du Kenya a pour sa part jugé inconstitutionnelle l’imposition obligatoire de la peine capitale dans les affaires de meurtre. Cela signifie que les juges examinant ces affaires ont désormais la possibilité de ne pas imposer de sentence de mort. La Cour a ordonné que des cas dans lesquels des personnes avaient automatiquement été condamnées à la peine de mort, après avoir été déclarées coupables de meurtre, soient réexaminés, le but étant de fixer de nouvelles peines. Les condamnations prononcées contre ces personnes seront probablement remplacées par des peines moins sévères. La décision de la Cour suprême place le Kenya dans la même catégorie que d’autres pays de la région – l’Ouganda et le Malawi – où les tribunaux ont déjà supprimé l’imposition obligatoire de la peine de mort.

Il reste toutefois du chemin à faire ! Le mouvement abolitionniste en Afrique subsaharienne ne peut en effet pas encore se déclarer victorieux face à la peine de mort. S’il disparaît peu à peu, ce châtiment inhumain est encore bien présent dans la région. Par exemple, si à notre connaissance, seuls la Somalie et le Soudan du Sud ont procédé à des mises à mort en 2017, le Botswana et le Soudan ont d’ores et déjà repris les exécutions en 2018 – sombre rappel de l’existence de la peine capitale dans la région. Par ailleurs, le nombre très élevé de personnes se trouvant sous le coup d’une sentence de mort au Nigeria est fort inquiétant. À la fin de l’année 2017, les tribunaux du Nigeria avaient condamné quelque 621 personnes à la peine capitale, un chiffre stupéfiant, et le pays comptait 2 285 détenus dans le quartier des condamnés à mort – chiffres les plus élevés enregistrés en Afrique subsaharienne.

Ces motifs de préoccupation ne doivent cependant pas occulter les progrès accomplis dans la région en 2017. L’Afrique subsaharienne reste un phare dans ce domaine et, à l’heure où sa lumière se fait de plus en plus vive, la victoire contre la peine de mort dans la région reste un objectif réalisable.

Cet article a été initialement publié par Daily Nation.